Le temps, dans L'Appel de Cthulhu est un facteur précieux : combien de temps avons-nous pour sauver le monde ? Combien de fois les PJs ont-ils essayé d'obtenir des informations par poste, télégramme ou téléphone ? Vaste sujet...
La majorité des photos de cet article sont tirées du site L2L1 , L'histoire des téléphones en France.
Note pour jouer: les cabines téléphoniques à pièces sont créées en France en 1923,aux US en 1889, dans le Connecticut à Hartfor.
C'est pourquoi l'étude (restons modeste) va surtout aborder tout ce qui pourrait être utile au jeu, à son ambiance et à son réalisme.
D'autres s'indigneront, comme d'habitude, en disant que ça ne sert à rien. C'est vrai ! Mais TOC est un Service Public grâce auquel chacun d'entre nous peut trouver une réponse à une question, ou tout du moins un début... Alors même si ça n'intéresse qu'un seul "administré"...
Pour commencer, un peu d'histoire et de technique...
C'est barbant, mais vous n'y couperez pas : un peu de culture ne vous fera pas de mal !Alors que le télégraphe électrique étend ses câbles à travers le monde, notamment avec la pose du premier câble transatlantique en 1865, c'est aux Etats-Unis, le 14 février 1876, que Graham Bell dépose le premier brevet de téléphone.
En 1877, l'inventeur présente le premier téléphone capable de transmettre et de recevoir la voix humaine en respectant sa qualité et son timbre.
L'invention de Bell se composait d'un émetteur, d'un récepteur et d'un seul fil de connexion. L'émetteur (microphone) et le récepteur (écouteur) fonctionnaient sur le même principe. (Errata dû aux internautes de TOC : il a été dernièrement reconnu que l'inventeur du téléphone est un italien du nom de Meucci, proche de Bell.)
Attention ! Suivez bien, il y aura interro surprise ! Le microphone et l'écouteur se composaient d'un diaphragme métallique flexible et d'un aimant en fer à cheval avec bobinage en fil de fer. Les ondes sonores frappant le diaphragme le faisaient vibrer dans le champ de l'aimant. Cette vibration générait un courant électrique dans la bobine proportionnellement aux vibrations du diaphragme. Le courant se propageait le long d'un câble jusqu'à la station réceptrice, où il produisait des modifications de l'intensité du champ magnétique du récepteur, provoquant la vibration du diaphragme et reproduisant ainsi le son d'origine. Pas bête, non ? ? ?
Le premier système de téléphone n'utilisait qu'un seul fil par ligne, le "retour" étant réalisé par un fil commun. Il en résultait des défauts de diaphonie : deux conversations téléphoniques pouvaient ainsi se mélanger et provoquer des situations très particulières. Les Gardiens imaginatifs pourraient utiliser ce défaut pour une introduction "exotique". Qui sait ce qu'un investigateur pourrait apprendre en surprenant une conversation ?
L'idée du téléphone "automatique" est une invention américaine de la fin du XIXème siècle. Elle ne traversera l'Atlantique qu'en 1912. La France l'expérimentera un an plus tard à l'échelle d'une ville (Nice) et le développera seulement à partir de 1925. C'est pour cette raison qu'on ne trouve pas de téléphones à cadran en France avant 1913.
De la disparité des réseaux européens et américains
Ben ouaip, c'est flagrant...Le développement du téléphone s'est fait différemment de chaque coté de l'Atlantique. Effectivement, la popularité de ce nouveau moyen de communication était beaucoup plus grande en Amérique qu'en Europe. Contrairement au télégraphe les pouvoirs publics européens mirent du temps à investir dans le téléphone.
Les brevets de Bell tombent 18 ans après dans le domaine public, c'est à dire en 1894. Cela a laissé à sa société la possibilité de se renforcer face aux concurrents : le 9 juillet 1877 avait vu la création de la Bell Telephone Company, suivie par l'American Speaking Telephone Company (filiale de la Western Union Telegraph Company où Edison travaille).
En Europe, les compagnies privées commencent à acheter des concessions.
En France cela commence en 1879 par Paris, Lyon, Marseille et Bordeaux. Ainsi à Paris, en 1881, le réseau urbain comprend 1602 abonnés. Ces sociétés privées verront leurs réseaux locaux être nationalisées dix ans plus tard, en 1889. Les communications sont régies par une loi de Louis Philippe qui soumet toutes sortes de communication à l'autorité régalienne. La téléphonie étant sous la tutelle du ministère des postes, celui-ci ne voit pas l'intérêt de développer un autre système. Ceux déjà existants sont très performants : la livraison d'un pli par la poste est assurée en 48 heures ! Un télégramme dans les deux heures ! Les budgets seront donc serrés pour le développement de ce nouveau moyen de communication.
Deux efforts considérables sont cependant à noter en France en 1910 et en 1923. Ils permettront au réseau national français d'imposer un cahier des charges aux téléphones devant s'y connecter. C'est ainsi qu'apparaît le Marty 1910, mobile et mural, puis le PTT24, en 1924. Leur technologie leur permet encore aujourd'hui de fonctionner sur le réseau analogique !
En parallèle, aux USA où tout est privé, la vitesse de propagation est très importante. Mais la multiplicité des opérateurs, rendue obligatoire par les lois antitrust très virulentes de l'époque, ne favorise pas la normalisation des réseaux et du matériel.
En 1921 American Telegraph and Telephon, AT&T, exploite 64% des réseaux.
Des appareils
Du matos, ouha k'c'est bô !À l'origine, les téléphones n'étaient pas dotés d'un système de numérotation. L'abonné appelait l'opératrice en tournant une manivelle (et par la suite, en manoeuvrant un commutateur) et lui demandait à être mis en relation avec un autre abonné.
Plus tard, lorsque la commutation automatique aura été mise en service et que l'opératrice aura disparu, l'abonné effectuera lui-même la composition du numéro. Ce principe est l'oeuvre du gérant d'une entreprise de pompes funèbres américaine en 1889, Almon Strowger. Alors que son entreprise fonctionnait plutôt bien, il remarqua qu'une bonne partie de sa clientèle passait inexplicablement chez son principal concurrent.
Ayant mené son enquête il s'aperçut que la femme de ce dernier était opératrice dans une société de téléphone ! Comprenant le subterfuge, il décida d'y mettre fin et inventa le premier système de commutation électromécanique !
Certains modèles de téléphone sont en bois, en métal ou en bakélite. Attention, à l'époque lorsqu'on parle de mobile, on entend par-là le téléphone que l'on pose sur une table et qui peut être mis sur une autre car il n'est pas fixé au mur, il a encore son fil...
Des opératrices
On reste poli avec la demoiselle !En attendant l'installation de l'automatique, les centraux téléphoniques hébergent un personnel nombreux et qualifié.
En France les plus célèbres figures sont les demoiselles du téléphone, ainsi appelées parce qu'elles sont recrutées exclusivement parmi des jeunes filles célibataires, dont l'éducation et la morale sont irréprochables. Elles perdent généralement leur emploi lorsqu'elles se marient...
Ces demoiselles sont aussi des cibles parfaites pour les clients mécontents du service. On leur reproche leur mauvaise humeur, la lenteur de l'établissement des communications, etc. Au début du siècle, les abonnés sont surtout des gens fortunés qui ne supportent pas que le "petit personnel" ait autant d'influence sur leurs affaires.
L'opération se résume ainsi : l'abonné décroche son téléphone et tourne la manivelle. L'opératrice voit le volet d'appel de l'abonné "chuter". Elle branche son casque sur le circuit de l'abonné et demande le numéro du correspondant. S'il s'agit d'un abonné de son secteur, elle appelle directement ce correspondant, et met les deux abonnés en relation en branchant les deux fiches Jack d'un "dicorde". S'il s'agit d'un abonné d'un autre secteur ou d'un autre central elle appelle l'opératrice correspondant à ce central et lui transmet la demande. Elle relie alors l'appelant sur un circuit auxiliaire (le multiple) qui le renvoie vers la nouvelle opératrice, qui se charge du reste de l'opération.
En France, le fait que chaque opératrice ait un secteur géographique attribué fait naître des complicités avec les abonnés. C'est pourquoi l'Administration modifie régulièrement l'attribution des secteurs.
Des annuaires
Il faut savoir lire pour les consulter !Devant l'essor croissant du procédé, des listes d'abonnés font surface.En 1819, Sébastien Bottin (1764-1853) dresse une liste des commerçants de Paris.
En 1857 sa veuve fusionne l'affaire avec la société Firmin-Didot qui éditait depuis 1838 l'Annuaire général du commerce (aujourd'hui l'Annuaire-Almanach du commerce et de l'industrie Didot-Bottin).
En 1889, la Société générale des téléphones publie une première liste de 6425 abonnés (Paris et banlieue). La Direction des Postes et Télégraphes confie ensuite au privé la publication de cette "liste" qui devra être remise gratuitement à tous les abonnés le 15 octobre de chaque année. De plus un bulletin mensuel, gratuit, la tient à jour.
En 1925, l'édition est confiée à l'Imprimerie nationale et en 1926 le premier annuaire par département apparaît (ceux du Gers ou de la Corrèze comptent 8 pages en 1936).A noter que les titres nobiliaires, universitaires, religieux, etc. ne disparaissent de l'ouvrage qu'en 1979.
Il existe aussi des annuaires spécialisés. Par exemple celui destiné aux médecins leur propose des informations par canton : toutes les coordonnées des médecins, chirurgiens et sages-femmes, des hôpitaux, asiles et maisons de repos, etc.
Grâce à tous ces annuaires difficile de ne pas trouver ce qu'on cherche...
Quelques anecdotes et infos
Clément Ader a l'idée d'associer deux mondes à priori différents : le théâtre et le téléphone. Il profite de l'exposition universelle de 1881 à Paris pour installer des lignes directes entre l'Opéra de Paris, la Comédie Française et le Palais de l'Industrie où a lieu l'exposition. Le succès est immédiat et des files de personnes enthousiastes attendent la démonstration. L'opération est renouvelée en 1889, et permet un développement commercial du concept. Chaque abonné au téléphone parisien peut, en plus du service normal, s'offrir le théâtre ou l'opéra à domicile moyennant un abonnement particulier. Ce succès perdra très vite de son intérêt avec l'avènement du phonographe, puis de la T.S.F. Il disparaît en 1932.En 1921 en appelant le "22 à Asnières" vous pourrez réserver votre pain chez Edouard Merlet, 20 rue Bapst, boulanger de profession.
En 1884 apparaissent les premières cabines dans les bureaux de poste de Paris et de certaines villes de province.
Les cabines téléphoniques à pièces ne commencent à se trouver à Paris qu'en 1923 (50 seulement). Seules les pièces en nickel de 25 cts sont acceptées. L'opératrice entend les pièces tomber et quand le nombre est atteint elle établit la liaison entre le demandeur et le demandé. C'est ce dernier qui accepte ou pas la communication en écoutant son interlocuteur parler avec l'opératrice.
L'horloge parlante est créée en France en 1933, 20 lignes s'y rattachent et le premier jour (14 février) 20000 liaisons sont réussies sur 140000 tentatives.
Appels vers l'étranger
En 1921, Paris et certains bureaux de banlieue offrent la possibilité de se connecter à l'Allemagne (y compris, bien sûr, le Territoire de la Sarre qu'administre la France), à l'Angleterre, à la Belgique, à l'Espagne, à l'Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas et à la Suisse.Les tarifs sont élevés, mais c'est négligeable si c'est la survie de l'espèce humaine qui est en jeu...
Le premier câble transatlantique ne sera installé qu'en 1956.
Les colonies sont dotées de réseaux exclusivement locaux, beaucoup moins développés qu'en métropole.
Madagascar en est doté en 1896. En 1914 il y a 350 postes, 500 en 1918 et 800 en 1924 pour 1200000 communications par an !
Et il en est de même pour les grandes villes asiatiques et africaines, comme Le Caire, Nairobi ou Shanghai, ce qu'apprécieront les téméraires aventuriers des Masques de Nyarlathotep !
Conclusions
Si le téléphone se développe dans les années 20, le meilleur moyen de communication reste la poste, ainsi que le télégramme qui s'est développé et traverse les océans depuis 1865.En 1892 il y a déjà :
- 2326600 km de fils en Europe,
- 309080 en Asie,
- 60480 en Afrique,
- 1825600 en Amérique,
- 138090 en Australie.
En 1925 la France métropolitaine compte 26000 bureaux télégraphiques.